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Le diable habille les anges à Holborn Head…

Publié le par Eric Bertrand

Le diable habille les anges à Holborn Head…

Deux petites villes, distantes d’environ trente kilomètres l’une de l’autre, composent les pôles du Caithness : Wick qui provient du norvégien « vik » signifiant « baie » et Thurso, la ville du dieu nordique « Thor ».

Quand on quitte la ville, au niveau du petit port de Scrabster, au lieu de s’embarquer à bord du Sinclair, en direction des îles Orcades juste, on s’engage sur un petit sentier côtier escarpé qui mène aux grandes falaises rivales du « Old Man of Hoy ».

Cet endroit est d’une beauté romantique et, dès la fin de l’été, de tous les coins hurle le vent. Il souffle dans le manteau de laine des rares moutons, dans les plumes ébouriffées des oiseaux de mer qui passent en claquant du bec, ou dans les hardes des fantômes. L’une des sœurs Brontë, Emily, Charlotte ou Anne, pourrait hanter les lieux.

Suivez-la, elle vous mènera au gouffre du Diable, « Devil's bridge ». C’est aussi le but de la promenade.

Les jours de printemps, elle offre au promeneur un sentier d’une infinie délicatesse. Mouettes, macareux moines et guillemots  nichent dans les creux de falaise et les duvets qui volent sous les becs des cormorans et des goélands ressemblent aux petites fleurs qui parviennent à pousser dans le désordre de l’herbe grasse.

Et de petits fantômes de plume passent au ras du sol et s’envolent vers la grande mer.

 

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Avec Julien Clerc, la plénitude du « Terrien »

Publié le par Eric Bertrand

« Comment vas-tu ? »

Dans ce nouvel album, avec cet « amour des gens » qui a toujours animé celui qui voulait être « utile », Julien semble s’adresser à nous autres, ses fans… Mais il s’adresse aussi à tous les hommes, et surtout à tous ceux qui ont besoin de réconfort, à « ceux qui se noient », à ceux « qui coulent » ou qui ont « nagé quand le récit s’obscurcit ». À ces « femmes vacillantes », surtout à ces « jeunes filles en feu, brûlées adolescentes », à ces filles de véranda qu’il a toujours aimées, « femmes je vous aime »…  

Par l’image, « Terrien » transporte le connaisseur vers le passé et plus précisément l’album n°7 qui affirmait à sa façon que « souffrir n’était pas souffrir ». Par les textes et par leurs mélodies, « this melody », il offre un « refuge », un terrier, une « petite terre ». Et son « souffle d’air » « transforme l’âme en ruisseau » et le « cœur en bateau »… Il suffit du premier mot, « Emmène-moi », et « dans ma tête et dans mes reins », « je voyage »…

Voyage de plein été en « Terre de France » ou vers cette « soufrière », son « paradis sur mer ». Voyage d’automne tâchant d’effacer ces « cœurs à la craie » dessinés d’une main torturée, dans une cour de récré. Mais il y a derrière ce cœur, les « sanglots longs des violons de l’automne », le son de la voix d’une maitresse d’école dont la « note de cristal grimpe encore, légère et fragile » et capte les échos de La Fontaine, de Victor Hugo et de Paul Verlaine. Une « Mademoiselle » qui « embellit la vie » et qui dit au chanteur et à son auditeur : « tu ne seras pas venu pour rien », « la vraie vie est ailleurs »…

Grâce à elle, il comprend que l’essentiel est invisible pour les yeux et qu’il faut regarder, en même temps que « les montagnes, les neiges éternelles » « la rose et le bourdon », et la rose et le réséda. « Demain, dès l’aube », derrière « les petites sorcières malades », « la brume à l’horizon », « les forêts sombres où nous nous perdons », c’est la promesse « des cerisiers en fleurs », « des sirènes » et du plein soleil d’été. « Let the sunshine » !

 Avec Julien Clerc, la plénitude du « Terrien »

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Serge Gainsbourg... "En Abyssinie pour prendre la relève..."

Publié le par Eric Bertrand

Serge Gainsbourg... "En Abyssinie pour prendre la relève..."

Maintenant qu’il a livré son œuvre inachevée, comme celle de Rimbaud qu’il admirait tant, nous sommes condamnés à traquer les mots, les idées, les lettres et « l’orthographe » de Serge. « Laissez parler les p’tits papiers », « overseas telegraph »…

Dans l’une des dernières interviews accordée à Philippe Manœuvre, il évoquait précisément la silhouette de Rimbaud et un projet futur d’aller « en Abyssinie pour prendre la relève »…

Quel sphinx !

La relève de quoi ?

De l’aventure poétique interrompue ?

Du commerce et de ses associés ? Armes : « viva Villa » ? Gitanes : « Dieu fumeur de Gitanes » ? Café et jolis bracelets : « c’est quand même fou l’effet, l’effet que ça fait » ?

Ou du camarade génial que la maladie a amputé de ses semelles de vent ?

Depuis ce « gloomy Sunday », Gainsbourg n’en finit jamais de brûler « ses petits papiers », d’être un peu, comme le disent ces lignes du poème « Déluge », « la sorcière qui allume sa braise dans le pot de fer » et qui « ne voudra jamais raconter ce qu’elle sait et que nous ignorons »… 

Tout le mystère Rimbaud est là, et tout le génie Gainsbourg aussi. « O, fécondité de l’esprit et immensité de l’univers ! »

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Le goût de la tourbe

Publié le par Eric Bertrand

Je m’adresse non plus aux buveurs de whisky mais à ceux qui ont peut-être vécu l’expérience de la grande solitude dans les Highland d’Écosse, ceux qui ont ressenti l’appel du « Wild », jusqu’au fond des crocs et du pelage…

C’est une petite route en terre ou vaguement goudronnée.

Des cailloux sur les collines, des cairns et des standings stones érigent des silhouettes rudes et d’un autre âge. Sur les bordures, des pierres grises et des croft houses glacées tracent dans le ciel les lignes tragiques des Highland clearances.

La mer est leur miroir et le vent en tourbillon creuse et nuance les teintes du blanc, du noir et du gris. Dans les champs, derrière les murets figés, les tas de tourbe composent des pyramides dont les hiéroglyphes se lisent dans le ciel et les fumées fugitives. Ils arrivent de la cheminée, du dessus d’un toit de ferme égarée quelque part au fond de la lande et, dans un coin d’écharpe et d’ambre, ils parlent des brumes, des laines et des modes qui se perdent.

Le goût est sucré, volatile. Il passe dans la bourrasque à la façon d’une note de musique ou d’une caresse fraiche. Il laisse une couche de miel ou de fudge dans le cœur, une impression ouatée, presque humide qui met les sens au contact du sol profond.

Il libère cette part des anges qui transporte l’âme vers des temps très anciens.

Le goût de la tourbe

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Plongée en littérature avec ou sans le masque

Publié le par Eric Bertrand

Quand commence un cours sur Rimbaud ou sur Jack London, ils portent tous des masques mais refusent de plonger dans ces récifs de Littérature de haute mer.

Ils pataugent et respirent mal, écartent un coin de leurs masques sans tubas.

Alors ils lisent le texte à voix haute, mais ils ne trouvent pas l'oxygène. La voix est épaisse et chaque mot pèse lourd. On a forcé leur corps à plonger dans l'étrange aquarium du langage.

Sur les parois de verre du bocal, s'agitent de drôles d'algues figées. On voit des yeux affolés qui promènent vaguement des antennes.

La pleine mer, les bateaux ivres, la profondeur du ciel, ça ne se creuse que dans les vagues. La découpe des coraux, les millions d'oiseaux d'or, les lames où s'embrasent les voyelles, ça ne se lève et ne s'aiguise que dans le feu.

 

 

Plongée en littérature avec ou sans le masque

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