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civilisation ecossaise

Première visite à Ackergill

Publié le par Bertrand

Les indications techniques pour le spectacle s’accumulent afin de fournir aux intervenants extérieurs tous les éléments dont ils ont besoin pour trouver leur place. Je propose demain et après demain un résumé de la pièce et une lecture tabulaire, mais prenons une bouffée d’oxygène côté Caithness en revenant à ma découverte de la fameuse Ackergill….
              Dimanche matin. Mon premier dimanche écossais ! La couleur du ciel a changé. Le vent souffle, une pluie fine qui harcèle. J’avance vers l’entrée d’Ackergill. La petite route qui mène à Castletown est déserte.C’est par un petit sentier qu’on pénètre sous l’allée d’arbres qui mène à la tour. Pas de signe de vie.
              La vieille bâtisse semble abandonnée. Je suis dans la cour. Le silence et les odeurs de varech. Tout est fermé. Quelques petites fenêtres. Des toiles d’araignées sur les vitres. Je m’écarte du côté d’un vieux jardin sous des arbres un peu spectraux. La terre enfonce sous les pieds. Une végétation folle court au-dessus des bordures et des dalles. De petites croix en bois, quatre ou cinq ont poussé là, pauvres plantes baroques gorgées d’eau et sans lumière. « To my favourite pet »… Je ne me rappelle plus les noms des gisants de ce cimetière à chats ou à chiens. Les corneilles fâchées poussent des cris aigus. Les arbres grincent. En peu de temps je suis de plain pied avec l’atmosphère étrange que je suis venu chercher en Ecosse. (C’était l’un de mes objectifs déclarés de ma mission d’assistanat : traquer les mystères écossais, fantômes, Nessie, fées, lutins…) Je reviendrai sur tout cela.
              Je reprends la direction du château. Sur le côté, un hangar et, tout au fond, un stock d’anciens meubles. Je caresse le vieux bois, ouvre les tiroirs. Articles de journaux… Pas de lettres, pas de mèches de cheveux ! Pas d’apparition de belle châtelaine enfermée par un sortilège. Même si j’ai 23 ans et même si je suis réceptif. En tout point digne de cette faveur après tout (je me dirai cela à chaque fois que j’irai au contact du mystère…) On n’est pas dans un conte de Maupassant et je suis un pauvre picaro !
              Mais soudain, un bruit de pas précipités sur le sable : un énorme chien mécanique, massif, court sur pattes, comme monté sur roulements à billes… L’aboiement résonne sous la voûte du hangar. Un gros caillou qui tombe dans le puits de l’enfer !
              La trogne patibulaire passe dans l’encadrement. Flagrant délit de furetage ! Je file sur le côté. Manœuvre dissuasive : il reste plante là et continue d’aboyer. J’avance vite vers la falaise, saute par-dessus le fil barbelé, le chien à roulettes semble figé dans sa posture. On a jeté les piles ? Un goéland, scotché sur le ciel gris, passe en grinçant. Bec jaune et pelage rouille. Un sémaphore un peu grippé ! En courant sur le talus, je croise un petit mouton noir avec une bouille de rosace, et un gros mouton avec une face de bas-relief. Il a le granit de la falaise sur la tronche celui-là et l’écume de la mer dans la laine. Lui aussi manque de ressort. Là-bas, de l’autre côté de la Baie, les chevaux de la mer déferlent sur Girnigoe. J’ai pris mes jambes à mon cou, et je galope à perdre haleine vers cette embarcation dont je connais déjà le refuge.
 
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première visite à Girnigoe

Publié le par Bertrand

Je suis arrivé à Wick pour la première fois un jour de septembre 1983. J’avais auparavant seulement traversé la région de Caithness-Sutherland en train. J’étais jeune bachelier, avec des copains et ma sœur Béatrice. Nous bénéficiions d’un forfait train et, pour l’amortir, nous vivions dans les trains ! (Manger, dormir !), et nous sillonnions la Grande Bretagne.
              Henri, Pascal, Beatrice jouaient à la belote, en se disant, inquiets, qu’il faudrait cette fois se résoudre à planter la tente sous la pluie (Thurso, c’était le terminus !) Collé contre la vitre, j’ouvrais des yeux ébahis. Après Helmesdale, et toute la côte rocheuse, l’entrée dans la lande, les troupeaux de biches, les cerfs, les petits lochs, la terre mauve, deux ou trois stations isolées, le train ne s’arrête qu’à la demande, Altnaebraec, les collines, la bruyère, la lande dans toute sa majesté. Une nuit à Thurso, la tente moisie. Le retour en catastrophe vers les radiateurs de la gare… Je m'étais dit que je reviendrais d'une manière ou d'une autre, que je prendrais le temps de rentrer en contact…
              C'est par le biais de l'assistanat que, deux ans plus tard, j'ai pu postuler pour ces terres éloignées du nord de l'Écosse dont personne ne voulait. J'étais en licence de lettres modernes, et, à l’issue d’un entretien oral, j'avais obtenu un poste plutôt réservé aux anglicistes. Mais les anglicistes étaient à Londres, à Édimbourg, à Inverness pour les plus hardis d’entre eux !
              Je descendis de « l’Orcadian », le train des Orcades dont la loco portait une tête de cerf pour emblème. J'avais un barda énorme concentré dans un immense sac de parachutiste. Les vêtements pour un an, des livres, des trousses, des affaires de toilette, un poste radio, un opinel… Je passai chez le responsable de l'école dans laquelle j'allais commencer mon enseignement une semaine plus tard, retirai les clés de l'appartement (une petite maison dans un quartier populaire situé en marche de la petite ville : la « Glamis road » nom prédestiné quand on sait l'importance du nom « Glamis » dans Macbeth !), trouvai la maison, fis le tour du locataire, ouvris la carte d'état-major du secteur.
              Il était environ 18 heures. Les jours sont encore longs. Début septembre. Le soleil brillait sur la mer à l'horizon. J’allai marcher jusqu'à Girnigoe. Ce fut mon premier choc. La haute falaise, le cachot de John Sinclair, la corde à nœuds. À l'horizon, de l'autre côté de la baie, je distinguai une autre bâtisse, c'était Ackergill Tower.
              Le programme du lendemain dimanche était fixé : je prendrais la route plus au large, pour passer par Ackergill et revenir par Girnigoe afin de mieux explorer ces hautes falaises qui entouraient le site, la petite plage en dessous, l'orifice dans la pierre qui permettait de se glisser, par le biais d'une espèce de boyau rocheux, au niveau de la mer. On y va demain. 
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Perspective de rencontre avec les Sinclair

Publié le par Bertrand

Pour ceux qui suivent de près « Le feuilleton Caithness-clan Sinclair », inscrit dans ce blog depuis quelques semaines, je joins ce courriel reçu hier. C’est le résultat des divers échanges qui se sont tenus depuis environ un mois entre Rena, Kay, Ron et moi. Belle perspective en tout cas, même si l’obstacle (relatif) auquel nous allons sans doute être confrontés soit celui de la langue… Dans un premier temps, il va me falloir retrouver la fluidité de l’anglais pour m’expliquer sur le contenu du « Ceilidh » auprès de ces gens qui vont vouloir en savoir plus. En outre, et d’une manière générale, parler des œuvres m’a toujours paru délicat, je me sens plus à l’aise à l’écrit pour cela.
 

Dear Eric, I have had an email from Ron Sinclair, the Clan Sinclair Editor, who tells me he is happy to include your story about Caithness and the Castles, in the
Spring issue of our newsletter.   He tells me he has changed only one wording
which he explains that the Castles are SinclairGirnigoe and not as we all
thought two castles.  We will have to accept that the archaeologists know what
is correct.

I hope your article in our newsletter will provoke some interest. It will give
our members who have not visited Caithness a different perspective on the
county with the views of  someone with a great love of the county,  and
especially the Castles .  As I explained, we do not have many French speakers
in the Clan at present.

I hope we can meet with you and your family when you are in Caithness .   Rena
& David will be happy to joins us here for a meal if a suitable date can be
arranged.

Sincerely,

C'est le ciel des Highlands, c'est la lande du Caithness et les odeurs de tourbe qui voltigent dans l'air ! Je suis chez moi, Max ! (Heather. Acte 1, scène 1)

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les formules à double tranchant

Publié le par Bertrand

            Le machiavélisme de la sorcière... Je cite quelques-unes de ces formules ambiguës : au début, par exemple, elle invite les deux autres à retourner à l’hôtel : plutôt que de perdre notre temps, retournons travailler nos personnages à l’hôtel . Ici, il faut plutôt comprendre qu’elle est agacée, fébrile, qu’elle cherche à savoir si tout est prêt, à s'assurer en tout cas auprès de Sheumas (que les deux autres, d'humeur plus taquine, ont simplement envie d’embêter). Au début de l’acte deux, quand elle attend l’arrivée du reste de la troupe, elle n’en peut plus d’impatience : je me sens nerveuse… je vais le chauffer votre ceilidh… un masque de carnaval sur le visage, et la danse brésilienne qui me remonte l’échine de la mémoire… Cette dernière expression n’est pas seulement une figure de style, c’est l’évidence du dénouement : le départ vers le Brésil aux côtés de son amant. Citons d’autres exemples : il va se passer quelque chose…et quand elle dialogue avec les esprits : prend mes bras, ce qui annonce le couteau contre Rebecca (en cela, elle semble elle aussi être consciente de la faiblesse de Ronald et, comme Rebecca, vouloir offrir "son bras" pour lui donner la force de l’acte…. La scène où elle fait tourner les verres avec les autres constitue d’ailleurs pour elle une répétition du crime qu’elle mijote. Quand elle taquine Heather, qu’elle trouve trop maquillée et qu’elle invite à aller se laver les mains, peut-être redoute-t-elle quelque chose comme le remords qui tenaille Lady Macbeth après le meurtre de Duncan.... Quand elle s’écrie à la fin de la scène, un verre c’est comme un acteur, il faut bien qu’il retourne à sa vraie fonction ! C’est à elle qu’elle pense : tout ce carnaval auquel elle se livre n’a qu’un but, la réalisation du plan qu’elle a prévu avec ses complices. Quand le dénouement approche, le texte qu’elle dit semble encore davantage lui offrir l’occasion d’une répétition, d’une conjuration du sang qu’elle va faire couler : tu cherchais des idées pour faire couler le sang, Georges ? Et quand elle lance ce curieux aphorisme : tout comme la femelle a besoin du mâle pour copuler, la sorcière a besoin de l’homme pour briller elle manifeste à la fois une ambition et une inquiétante libido à venir. C’est aussi la raison pour laquelle je lui ai donné cette origine brésilienne et ce goût pour le carnaval et le masque, auxquels elle fait à plusieurs reprises mention. Ne confie-t-elle pas à Ronald, à la fin de la pièce, nous pouvons maintenant nous aimer à visage découvert.
              Les spectateurs perspicaces disposent d’autres signes pour percer à jour ce personnage. Le ton de la voix, certaines mimiques, le motif du couteau (image très hitchcockienne !)… peuvent être interprétés dans ce sens. La mise en scène et la comédienne trouveront sans doute, sur ce thème, d’autres ressources à exploiter…

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 Right in the moorland ...

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Le double langage de la sorcière

Publié le par Bertrand

              Dans la pièce de Shakespeare, les sorcières incarnent les figures du Destin. À la manière du chœur antique des tragédies grecques, elles chantent l’avenir et savent tout. Comme elles ne sont pas complexées (c’est le moins qu’on puisse dire !), elles le disent haut et fort. Cependant, leur fonction est complexe.
              Elles incitent Macbeth à devenir roi, mais elles y parviennent grâce à l’intervention de l’ambition démesurée de lady Macbeth. En d’autres termes, la sanglante épouse met un couteau dans la main de son mari pour aider le destin. Et les sorcières se font spectatrices. Elles se mettent au premier rang et jouent un peu le rôle de la claque ! Elles assistent avec avidité à ce spectacle qu’elles ont suscité. Elles augmentent le fameux effet de catharsis !
              Elles sont plus démonstratives que le spectateur. Elles dégoulinent, elles jubilent, et cette jubilation est affaire de langage. Par la suite, elles retrouvent Macbeth et lui tiennent des propos cryptés : par exemple à propos de la forêt qui marche : tant que les arbres de la forêt de Dunsinane ne marcheront pas, tu ne craindras rien, Macbeth ! Avant d’être effectivement confronté à cette réalité impossible qui est surtout feinte et faux-semblant du langage, Macbeth ne comprend pas et se fie sinon à la folie des sorcières du moins à leur incompétence…
              De la même façon, j’ai voulu faire de la sorcière Lou, incarnée par Jennifer, un personnage masqué. C’est la seule des trois qui connaisse le projet de Ronald. Quand ses deux comparses se laissent aller à un « innocent » délire verbal, elle semble se prêter au même jeu, mais en même temps, elle pratique un double langage : elle pérore, elle prévoit, elle annonce ce qui va se passer… Tout ce qu’elle fait et dit doit alors être passé au crible… Je propose demain de revisiter quelques endroits du texte pour arborer le couteau qu’elle cache et expliciter ce langage à double tranchant qu’elle manie avec machiavélisme !
 
La tour d'Ackergill, que hante la green lady.HPIM0800.JPG

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