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“Entre elle et moi” le dernier Julien Clerc

Publié le par Eric Bertrand

« Ça commence comme un rêve d’enfant, on croit que c’est dimanche et que c’est le printemps »… Il y a toujours eu, depuis le début de « l’histoire », une impression d’euphorie dans certaines des chansons de Julien Clerc (tu te souviens de cet effet de sidération lorsque tu avais entendu pour la première fois « Ivanovitch » dans le poste de radio). Ce moment de plénitude vient (en partie !) à la fois du rythme de la musique et de la folie des mots qui semblent grimper, s’attacher à la mélodie comme à un tuteur. « Partout la musique vient »…

    Après toutes ces années, c’est le même ravissement que tu retrouves en écoutant « Entre elle et moi ». Juju chante encore la beauté des femmes, le plaisir et l’inquiétude d’aimer, la caresse brulante et mélancolique d’un regard ou d’une étreinte. Fille de la véranda, fille aux bas Nylon, fille du feu, femme boréale, ange, Romina, Belinda, Angéla, Melissa, Adelita, Hélène, Cécile, femmes, je vous aime... Et, cette dernière, « sa préférence à lui », n’a pas de nom dans « elle et moi », mais elle est au niveau de toutes les autres, elle aime « son incertitude » et « elle le sait bien » !

    Eternel tourment de l’amour. Le temps coule, « quelques années qui ruissellent », et l’émotion intacte finit toujours par remonter à la surface, « valse mélancolique et langoureux vertige », « la treizième revient, c’est toujours la première ». « Vieux chandails que l’on caresse », romantique vague à l’âme d’un « cœur trop grand pour moi » qui, parce qu’il « souffre par elle, ne souffre pas vraiment ». 

    Pourtant, cette fois, comme toutes les autres fois, (mais ça, tu ne t’en souviens plus !) rien ne semble pareil. C’est « le Vierge, le Vivace et le bel Aujourd’hui » ! Tu la regardes et tu retombes amoureux : « entre elle et moi, il y a des printemps… Regardez bien là dans mes yeux, cette petite flamme ». Etincelle familière et pourtant neuve, réminiscence d’une « éternelle enfance, indocile, irraisonnée »« Le vert paradis des amours enfantines » que chantait aussi Baudelaire, « les violons vibrant derrière les collines ». Douce émotion et frémissement que, dans la chanson, semble accompagner la mélodie, la plainte du violon au détour de l’aveu : « c’est un peu d’elle que j’emprunte ».

    C’est peut-être cela « le petit différentiel qui nous tient » (par miracle ?) Ce « vide » et ces « distances » entre deux êtres infiniment sensibles, infiniment émus, capables tout à la fois de se déchirer ou d’entrer en fusion : « des ponts et des traversées »… ce que Maupassant, avec ses mots à lui, appelait « l’éternelle lutte entre les deux brutes humaines, le mâle et la femelle, où le mâle est toujours vaincu ». « Entre elle et moi… » Promesse de rapprocher enfin pour l’éternité deux êtres meurtris, si proches de la fracture et de « ce lit qui sépare nos rives » ? Rêve romantique et rêve à deux au sujet d’une « éternelle enfance » ?… Il suffit simplement pour cela de redonner le temps et le printemps à la photo. « Regardez bien sur la photo … »

 

Julien Clerc

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