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« L’Homme qui rit » : la grimace qui rend chaos (4/9)

Publié le par Eric Bertrand

L'homme qui rit (3) [1600x1200]

 

Pour illustrer cet article, je propose la lecture de quelques extraits qui trouveront leur place dans le commentaire que je viens de fournir. La langue de Hugo mettra à cette histoire exceptionnelle tout le relief qu’elle mérite !

Extrait 1 : les Comprachicos

 

Les comprachicos faisaient le commerce des enfants.

Ils en achetaient et ils en vendaient.

Ils n’en dérobaient point. Le vol des enfants est une autre industrie.

Et que faisaient-ils de ces enfants ?

Des monstres.

Pourquoi des monstres ?

Pour rire. Le peuple a besoin de rire ; les rois aussi.

 

Extrait 2 : l’enfant et le chaos

 

Pensif, il oubliait le froid. Tout à coup l’eau lui mouilla les pieds ; la marée montait ; une haleine lui passa dans les cheveux ; la bise s’élevait. Il frissonna. Il eut de la tête aux pieds ce tremblement qui est le réveil.

Il jeta les yeux autour de lui.

Il était seul.

Il n’y avait pas eu pour lui jusqu’à ce jour sur la terre d’autres hommes que ceux qui étaient en ce moment dans l’ourque. Ces hommes venaient de se dérober.

Ajoutons, chose étrange à énoncer, que ces hommes, les seuls qu’il connût, lui étaient inconnus.

Il n’eût pu dire qui étaient ces hommes.

Son enfance s’était passée parmi eux, sans qu’il eût la conscience d’être des leurs. Il leur était juxtaposé ; rien de plus.

Il venait d’être oublié par eux.

Il n’avait pas d’argent sur lui, pas de souliers aux pieds, peine un vêtement sur le corps, pas même un morceau de pain dans sa poche.

C’était l’hiver. C’était le soir. Il fallait marcher plusieurs lieues avant d’atteindre une habitation humaine.

Il ignorait où il était.

Il ne savait rien, sinon que ceux qui étaient venus avec lui au bord de cette mer s’en étaient allés sans lui.

Il se sentit mis hors de la vie.

Il sentait l’homme manquer sous lui.

Il avait dix ans.

L’enfant était dans un désert, entre des profondeurs où il voyait monter la nuit et des profondeurs où il entendait gronder les vagues.

Il étira ses petits bras maigres et bâilla.

Puis, brusquement, comme quelqu’un qui prend son parti, hardi, et se dégourdissant, et avec une agilité d’écureuil,--de clown peut-être,--il tourna le dos à la crique et se mit à monter le long de la falaise. Il escalada le sentier, le quitta, et revint, alerte et se risquant. Il se hâtait maintenant vers la terre. On eût dit qu’il avait un itinéraire. Il n’allait nulle part pourtant.

Commenter cet article
A
<br /> Alors, merci de nous le donner à découvrir (ou redécouvrir) C'est une bonne chose de mettre des extraits , on peut se faire une idée un peu plus précise, goûter de ce plat appétissant , en<br /> attendant de le savourer!<br />
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A
<br /> Est-ce que la mise-en-page ( des phrases courtes , retour nombreux à la ligne un peu comme en poésie) est "d'origine"? ( j'imagine que oui) Je vais de surprises en surprises...<br />
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E
<br /> <br /> En effet et c'est là l'un des aspects baroques de cette oeuvre, la variété du style et de la mise en page.<br /> <br /> <br /> <br />