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Le vertige du Palais des Congrès

Publié le par Bertrand

Première répétition au Palais des Congrès aujourd’hui : il y en aura trois. C’est l’entrée dans « le Temple » : le lieu de la réalisation définitive de la pièce. Il y a toujours une certaine émotion à monter sur ces planches là et à sentir la présence de ces 725 places assises, qui veillent… Dans le Tennessee Club, Thelma, cette nostalgique du Ziegfeld Follies nous livrait ainsi ses impressions : 

 

« Je m’avancerai devant le public, comme ça… (Elle suspend son jeu, se met à rêver, s’approche de l’avant-scène…) Il est là, il ouvre la bouche, il s’attend à tout. Je me donne le luxe de quelques secondes de silence. Le temps est suspendu, les yeux sont grands ouverts, quelques sourires attendris sur les lèvres bienveillantes, un chuchotement ou deux à des oreilles attentives, les coudes qui se frôlent, la toux masquée d’un spectateur, un regard collectif… Je m’avance vers l’avant scène… « Se décidera-t-elle enfin à parler ou à dire quelque chose ?…» La musique s’élève, une musique troublante, la chorégraphie imaginée par Miranda et Sissy, je trouve ma place dans le ballet, les claquettes se mettent à résonner sur le parquet, la porte du « Ziegfeld Follies » vient de s’entrouvrir… »
Eric Bertrand, Le Tennessee club (Aléas, 2003)

Mais pour l’instant, le lieu est vide, froid, sans la chaleur des projecteurs, sans aucun décor. La salle est vaste, sans rideaux, profonde, les comédiens s’y égarent. Rien à voir avec la magie d’un soir de représentation… Plutôt l’impression que tout sonne creux par moments…

Surtout ne pas céder au découragement. Travailler, travailler. On étale sur une planche immense toutes les pièces du puzzle pour y voir plus clair !

L’heure est à la répétition et au repérage de l’espace. Nous disposons de trois heures aujourd’hui, le temps aussi de parler des à-côtés et notamment des costumes : peut-être un beau tailleur un peu démodé pour Rebecca, afin de souligner le caractère suranné du personnage et en même temps cette raideur hiératique où Julie doit aller puiser l’orgueil de l’ex-interprète de Lady Macbeth. Mais à l’essai, la jupe semble la gêner. Le personnage bouge un peu trop, manque de féminité, se tortille… Il faudra plutôt un pantalon, afin de faciliter les accroupissements et les déhanchements… Pour Ronald, un complet gris avec col roulé blanc, un air de dandy accentué par la canne à pommeau d’or qui servait à Tarzan dans le Loft. Pour Sheumas, une tenue noire, sobre, celle de l’homme de l’ombre. Pour Heather, sinon un kilt, au moins un signe distinctif qui rappelle son attachement à l’Ecosse : une broche avec «  la Flower of Scotland », le fameux « thistle » ou un béret de « Bonnie Prince Charlie ». D’ailleurs, ce signe de fidélité au pays doit se retrouver également quelque part dans le costume de Sheumas, ce pur Gaêl… Max est le plus simple dans sa tenue. Jean, pull shetland, K..Way quand il arrive dans le pub et que le maquillage de Heather coule… Quant aux sorcières, elles doivent chercher l’excentricité : chapeaux haut de forme à la Diane Dufresne , fume-cigarettes, manteau queue de pie avec beaucoup de place dans les poches, salopette pour Suzy, la plus jeune,  casquette de zonarde… Il est décidé, à l’issue de la séance qu’on travaillera en profondeur les fois prochaines, quitte à limiter la présence des acteurs sur la scène : ne faire travailler que Ronald et Rebecca mercredi prochain, puis Heather et Max la semaine suivante. De même que Sheumas et les sorcières. Ainsi, et seulement ainsi, dans le huis clos de la répétition, nous pourrons améliorer la qualité du jeu.

Il n’est pas facile ce texte qui fait intervenir le tragique dans un atelier de lycéens ! C’est la raison pour laquelle d’ailleurs, j’ai toujours reculé devant le genre de la tragédie… Jusqu’à cette année. Il faut pourtant bien que le tragique passe la rampe des lycéens et les entraîne ailleurs que dans le rire facile. 
HPIM1006.JPG
 Horse in the Highlands

 

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